Je ne vais pas vous parler de ce magnifique département alpin dont les lacs ont baigné mon enfance et dont les montagnes enneigées m’ont apporté mes premiers frissons de glisse. Non, ce n’est pas de cela que je vais vous parler aujourd’hui. Car, voyez-vous, la Savoie, c’est aussi une élégante barque coiffée d’un gréement aux voiles latines que vous pouvez apercevoir sur l’horizon bleu poudré du Léman. C’est cette barque sur laquelle j'ai eu le plaisir de naviguer cet été et son histoire passionnante que je vous propose de découvrir maintenant. Une architecture particulière Ce qui frappe le regard lorsqu’on aperçoit la Savoie, ce sont d’abord ses deux grandes antennes obliques et croisées, portant ses voiles « en oreilles » comme on dit dans le jargon local. Dans ma courte, très courte expérience de navigatrice, je ne me souviens pas avoir déjà vu une telle architecture sur un bateau (on appelle cela un gréement) . C’est ensuite la forme de la barque elle-même qui pique la curiosité : S’étalant comme pour aller toucher l’eau, ses bords larges lui confèrent une belle générosité. Il va sans dire que ces spécificités de construction ont une explication. Pour les comprendre, il nous faut remonter au temps des ducs de Savoie... Un peu d’histoire En 1670, depuis son château de Chillon, le duc Charles-Emmanuel II de Savoie souhaite assurer la sécurité et le contrôle sur le Léman qui constitue un passage important sur la route de l’Italie, dans un contexte politique de concurrence avec la cité de Genève. Il demande donc à un maître charpentier talentueux d’adapter sur le Léman un bateau de mer : Une galère latine mi-marchande, mi-guerrière. Nommées "galiotes" et "brigantins" selon leur longueur (puis plus tard "barques" et "bricks"), les premières galères latines du Léman font leur apparition leur le lac. Elles confirmeront au fil du temps leur vocation commerciale. Charles-Emmanuel II de Savoie avait le pied marin ! Wikipedia Bien plus tard, entre 1890 et 1910, le trafic lacustre commercial est à son apogée et de nombreuses barques françaises et suisses aux voiles latines traversent le Léman. A votre avis, que transportaient ces barques ? a) Des bonbonnes d’eau d’Evian b) Des pierres et des marchandises c) Des migrants La bonne réponse est la réponse b) : Ces barques avaient pour fonction de transporter des marchandises pondéreuses (du fromage, du vin, du bétail, du bois, du sable et surtout ensuite de la pierre), ce qui explique la forme de la coque. La barque La Bourgogne était notamment réputée pour sa grande capacité de chargement, jusqu’à 220 tonnes de pierres extraites des fameuses carrières de Meillerie. Les villes du pourtour du lac ont d’ailleurs été construites avec ces pierres. L’amélioration des transports par la voie ferrée ou par la route et l’usage du béton verront décliner l’usage des ces belles embarcations. Seuls deux bateaux originaux, tous deux français, ont survécu et sont visibles en Suisse :
Il faudra attendre l’an 2000 pour voir naviguer du côté d’Evian une nouvelle barque : La Savoie, réplique d'une barque suisse de 1896. Rêvée dès 1976 par Christian FERNEX (que je salue et que je remercie au passage pour avoir accueilli mes deux garçons dans son école avant son départ à la retraite, mais ceci est une autre histoire…), conçue en 1992 grâce à de nombreuses énergies et mise à l’eau en juin 2000, cette nouvelle Savoie navigue aujourd’hui pour notre plus grand plaisir sur les eaux du Léman. Au centre : La Savoie tirant son "naviot", son annexe à tout faire Photo prise lors du rassemblement des barques du Léman La Savoie possède deux petites sœurs, deux autres barques de plaisance construites en réplique :
L’Aurore www.lacochere.ch Construction de la Savoie La construction de la Savoie, le plus grand bateau de patrimoine français, aura duré 3 ans (de 1997 à 2000). Construite à partir de plans établis par l'architecte naval P. A REYMOND de Lausanne en Suisse grâce à des gabarits d’origine, la Savoie est constituée de différents bois issus des forêts locales (du Jura au Chablais). Elle mesure 35 mètres de longueur. L'équipe fondatrice de la Savoie pose dans les membrures de la barque Photo tirée du livre "Savoie la barque improbable" Sa mise à l’eau à Thonon en juin 2000 devant plus de 20000 spectateurs fut un grand moment d’émotion comme on peut l’imaginer. Photo tirée du livre "Savoie la barque improbable" Sa voilure imposante et gracieuse, la plus grande voilure latine au monde avec ses 350 m², a été réalisée par le maître voilier Victor TONNERRE. Lors des sorties de plaisance, les membres de l’équipage, tout de vert vêtus, peuvent heureusement compter sur les touristes à bord pour hisser les voiles. |
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Avril 2018
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